Editions Les Perséides

Guillaume Lejean, voyageur et géographe

Marie-Thérèse Lorain, Guillaume Lejean, voyageur, géographe et cartographe, préface de Daniel Nordmann.

Présentation (nous reprenons ci-dessous) l’excellent article d’Erwan Chartier-Le Floch paru dans le journal Le Télégramme en juillet 2009) :

L’ethnologie et le voyage commencent souvent par chez soi… Ce que fit Guillaume Lejean avant ses vingt ans, en parcourant les chemins de basse Bretagne à pied, puis par d’autres moyens pour cartographier son pays. Né en 1824, à Plouégat-Guérand, non loin de Morlaix (29), dans une famille de cultivateurs, il recueille très tôt des légendes locales et s’intéresse à l’Histoire. Il écrit, en 1841, ses premiers articles dans L’Écho de Morlaix. Bachelier, il refuse catégoriquement de rentrer dans les ordres. Il devient alors archiviste à Morlaix, ville dont il écrira une Histoire politique et municipale à 22 ans. Il se passionne ensuite pour l’histoire de Bretagne et rédige des notices biographiques. Elles lui fourniront la matière de La Bretagne, son histoire et ses historiens, ouvrage publié en 1850.
Secrétaire de Lamartine
En 1845, il commence à correspondre avec l’historien Jules Michelet qui remarque très tôt ses aptitudes. En 1848, Lejean est employé à la sous-préfecture de Morlaix où il s’ennuie ferme. Il monte à Paris pour suivre des études de médecine. Mais la vision des cadavres le répugne: aussi décide-t-il de travailler de sa plume. Il collabore à divers titres, puis se fait une place au Pays, journal libéral de Lamartine, le poète et candidat malheureux à l’élection présidentielle de 1848. Il sera ensuite son secrétaire avant de le quitter en 1853. Il travaille par la suite à une carte de la France féodale, mélange d’érudition, de recherches historiques et ethnographiques ainsi que de géographie. À Paris, Lejean se cultive et suit différents cours au Collège de France. C’est ainsi qu’il est remarqué par le professeur Guignaut, qui lui conseille d’entrer à la Société de géographie.

La découverte de l’Orient
Introduit dans ce prestigieux cénacle, Lejean va pouvoir laisser libre cours à sa passion des voyages. Le 8 avril 1857, il quitte Paris, chargé d’une première mission d’études géographiques en Moldavie, en Valachie et en Bulgarie. Il décrit son périple à travers une correspondance passionnée, évoquant, avec un grand luxe de détails, tous les peuples d’Europe centrale rencontrés. L’irréductible républicain qu’il est ne peut que relever les bienfaits de la démocratie là où il la rencontre. De retour, il sera présenté à l’Empereur, qui lui concède sept missions jusqu’à la fin du régime. Entre 1857 à 1871, Guillaume Lejean va donc arpenter le monde. De janvier 1860 à août de l’année suivante, il est ainsi en Afrique, où il remonte le Nil, et traverse le Soudan. À Karthoum, il dénonce l’esclavage, ce qui lui vaut quelques ennuis. « Une ville de 40.000 âmes, aimable et hospitalière à la surface, ignoble au fond. La traite des nègres la plus éhontée alimente ce luxe », écrit-il. Puis, il s’enfonce vers les sources du grand fleuve africain, une région dont il est l’un des premiers à dresser un relevé rigoureux. Mais il est détroussé et doit rebrousser chemin. Revenu en Europe, il rédige un compte rendu de ses aventures dans sa ferme de Plouégat-Guérand.

Prisonnier du Négus
Au printemps 1862, il repart en Afrique pour deux ans. Nommé vice-consul de France à Massaouah, à la frontière de l’Abyssinie, l’actuelle Éthiopie, il est chargé de développer des relations diplomatiques. Il est accueilli par le Négus, l’empereur Théodore II. « Théodore me fait penser, par ses bons et ses mauvais côtés, à un autre grand barbare: Charlemagne (…). Il a un esprit sage et pratique à chercher le perfectionnement de sa nation dans les propres éléments de cette nation », rapporte-t-il. Mais, après une campagne militaire malheureuse, le Négus le fait prisonnier ! Lejean reste assigné à résidence plusieurs mois, observant la société éthiopienne et son étonnante diversité. De ses aventures, il tirera deux livres : Voyages aux deux Nil et Voyage en Abyssinie. Quant à sa mésaventure avec le Négus, elle lui vaudra la légion d’Honneur. En 1865, il embarque cette fois pour l’Asie. Il a pour mission de retracer l’itinéraire d’Alexandre et de retrouver le berceau des Celtes, une tâche exaltante pour ce Breton aventureux. Il rejoint Constantinople, passe en Asie mineure, visite l’ancienne Mésopotamie, puis l’Afghanistan avant d’atteindre les Indes anglaises et de visiter Srinagar, la capitale du Cachemire. Il identifie deux champs de bataille d’Alexandre, Arbalès et Hydaspe et réalise de nombreux clichés photographiques. Avec ce voyage, il acquiert une renommée internationale.
Campagnes ottomanes
Dans les années 1867-1870, Lejean va mener plusieurs campagnes dans l’empire Ottoman. Il a pour mission de dresser une carte ethnographique de la Turquie d’Europe. Il dresse donc le portrait de tous ces peuples d’Europe orientale et il pressent les futurs conflits des Balkans. Parti avec des a priori sur les Turcs, il admirait cependant leur civilisation ou leur capitale, « Constantinople, merveille du monde ». Il cartographie aussi le Kurdistan. En 1869, il revient épuisé, après avoir eu de graves problèmes de santé. Il passe sa convalescence dans le Trégor. Il repart cependant une dernière fois et apprend, à Venise où il réside, la défaite française de 1870. Il revient une dernière fois en Bretagne, où il ressasse les souvenirs de ses nombreuses aventures. « Partez ! Vous aurez faim, vous aurez soif. Vous mangerez des choses impossibles, vous boirez une eau qui aura tantôt la couleur de l’encre, tantôt la couleur de l’absinthe ; vous subirez des chaleurs excessives, vous aurez de la fièvre et, malgré tout cela, probablement, vous survivrez. Et lorsque vous serez revenu en Europe, toutes vos souffrances passées ne vous laisseront plus qu’un souvenir, je dirais presque du bonheur », déclarait-il ainsi lors d’une conférence à Brest, en 1867, ce qui est une belle définition du voyage au long cours. Guillaume Lejean est décédé le 2 février 1871, à Plouégat-Guérand où il est enterré.
 
ISBN : 978-2-915596-26-7

Décembre 2006, 23 x 15 cm, 352 pages, 23 € (+ 3 € de participation aux frais de port)

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